11-08-2025
L'activité cartonne chez les naturistes : connaissez-vous la randonue ?
Alternative au bain de mer en tenue d'Adam, la randonnée naturiste se démocratise et attire toujours plus d'adeptes. Un facteur du renouveau de la gymnité.
Les vieux clichés ont la vie dure. Celui du naturiste retraité, se prélassant sur les plages du Sud-Est, par exemple, reste bien ancré dans l'imaginaire collectif. Mais un récent sondage Ipsos, publié par la Fédération française de naturisme (FFN) en juin, apporte quelques nuances au tableau. L'étude démontre que 25% des adultes en France ont déjà pratiqué le naturisme.
Mieux, qu'environ un tiers des 18-24 ans et des 25-34 ans déclarent avoir tenté l'expérience. Une augmentation éloquente depuis dix ans, date du dernier sondage officiel. Pour expliquer cet essor récent, la FFN met en exergue deux pratiques qui «attirent un public jeune à la recherche d'une réappropriation de leur corps» : le naturisme urbain et la «randonue», ou randonnée naturiste.
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Cette dernière n'est pas récente. Bruno Saurez, président des naturistes phocéens et historien amateur du naturisme, en retrouve des traces en Allemagne dès les années 30. M. Saurez est surtout l'un des précurseurs du renouveau de cette pratique, à l'aube des années 2000 dans les calanques de Marseille. Depuis, la «randonue» s'est bien démocratisée et compte des adeptes réguliers aux six coins de l'Hexagone.
Rando-raquette en hiver
Le concept est similaire à la pratique textile, les vêtements en moins. À l'exception d'une règle sine qua non : 'Dès qu'on entend ou qu'on croise quelqu'un, on enfile un bout de tissu. Pour ne rien imposer et ne pas choquer', explique Alain Cochet, président de l'association des randonneurs naturistes bretons (ARNB). Cette précaution est aussi juridique. Si une circulaire datant de 1993 écarte «toute possibilité de poursuite à l'encontre de personnes se livrant au naturisme dans des lieux spécialement aménagés à cet effet», la randonue s'exerce sur les sentiers battus et peut théoriquement être taxée d'exhibition.
Aussi, les marches se font tant que possible sur des sentiers peu fréquentés et requièrent une organisation au millimètre. «Le parcours est sélectionné bien avant, assure Alain Cochet. Nous faisons des reconnaissances, pour noter les lieux où il faudra se rhabiller, puis on établit une feuille de route. On donne ensuite un premier rendez-vous pour le covoiturage et un second au départ de la randonnée. Le compte rendu de la rando se retrouve sur notre site , qui en compte déjà une cinquantaine.»
La demande est forte : l'ARNB planifie une sortie tous les quinze jours, de la forêt de Brocéliande à la Vallée du Canut, entre avril et octobre. D'autres adeptes préfèrent des conditions moins estivales. «Je fais aussi de la rando-raquette en hiver, en tenue de peau, sourit Fabienne, auxiliaire de vie de 58 ans. On va dans les Alpes, les Pyrénées… Sans être non plus dans l'extrême. On se déshabille au fur et à mesure de l'effort.»
Pour les naturistes, comme la baignade, la randonnée offre un rapport privilégié avec la nature.
Richard Theis / Alamy via Reuters Connect
«Plus besoin de vivre caché»
Pour les naturistes, comme la baignade, la randonnée offre un rapport privilégié avec la nature. Avec ce que cela comprend de paradoxal : la fragilité du corps humain. «On se rend compte qu'on est très vulnérable : la moindre ronce, épine, ou température excessive nous blesse, poursuit Alain Cochet. Mais c'est aussi la meilleure façon de recharger les batteries.»
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Ce côté sauvage a un avantage, que n'offrent pas les plages de sable fin : l'espace. «En particulier depuis le Covid, les gens ont besoin de liberté, de nature, sans limitations géographiques, théorise Bruno Saurez. Aujourd'hui, la liberté se retrouve plus à la montagne qu'à la plage, où les espaces naturistes sont délimités et restreints. J'ai fait hier une randonue de 18 km en 5h, nous n'avons rencontré que 4 personnes : des cyclistes qui faisaient une halte. Il faut être aussi fou que nous pour courir sous une telle chaleur !» Fabienne abonde : «Lors d'une randonnée, on n'est pas entre quatre piquets. C'est l'expression la plus parfaite du naturisme. Ressentir les éléments, ne pas être contraint.»
Curiosité
À en croire les personnes interrogées, les incidents avec les randonneurs textiles sont rares et, mis à part quelques signalements, les quidams croisés en chemin font plus preuve de curiosité que de défiance. Preuve, selon la FFN, que les temps ont changé. Au second quart du XXIe siècle, le naturisme ferait preuve de moins de pudeur.
Fabienne : «Avant, on n'en parlait pas autour de nous, ça faisait jaser. Maintenant, plus besoin de vivre cachés pour vivre heureux. Il n'y a plus la crainte du regard des gens ou du gendarme.» Alain Cochet balaye aussi l'image du maréchal Cruchot : «Les forces de l'ordre sont plus compréhensives aujourd'hui. On a déjà eu un rappel à la loi, mais ça ne va pas plus loin. Les gendarmes préfèrent blaguer sur le nom de ma commune : Allaire !»